Haute Charente
Les femmes et la Résistance en Charente : Danielle SOURY membre de l'ANACR de Haute Charente 
 
Le 8 mars, journée internationale de lutte pour les droits des femmes, invite en cette année de 80ème anniversaire de la Libération, à revenir sur l’action des femmes dans la Résistance. Et à observer qu’encore aujourd’hui, leur rôle reste largement sous-estimé, malgré d’indéniables progrès. Les résistantes sont très peu reconnues et honorées officiellement: 6 femmes sur les 1038 individus Compagnons de la Libération, 10% de femmes parmi les médaillés de la Résistance. En Charente, 30 femmes nées dans le département médaillées pour 387 médaillés soit 8%. Cette sous-représentassions s’explique par les critères retenus après la Libération pour définir la qualité de résistant. Dans le processus d’homologation institué afin de rendre justice à celles et ceux qui s’étaient engagés, les critères ont privilégié le combat dans des organisations résistantes, survalorisant en outre la dimension armée ou militaire, notamment au sein des réseaux gaullistes. Autant de caractéristiques défavorables 1aux femmes qui jusqu’à la Libération étaient traitées légalement en mineures et restaient socialement largement cantonnées à leur foyer: pas de droit de vote, autorisation requise du mari pour exercer une activité professionnelle,… Pour une femme, s’engager dans la résistance armée ou militaire exigeait donc de surmonter bien des obstacles et préjugés, de transgresser largement l’ordre établi ! Certaines courageusement le firent, souvent comme agents de liaison, restées pour beaucoup anonymes. 42 femmes nées en Charente ont été homologuées résistantes par 30 réseaux des Forces Françaises Combattantes. Les plus représentés chez les femmes, les réseaux Burkmaster (renseignement anglais), Musée de l’Homme et Marie-Odile (réseaux gaullistes) ont été présents en Charente largement par les femmes. 29 femmes natives de Charente ont été homologuées déportées/ internées résistantes, telle Andrée Duruisseau. Agée de 15 ans, elle s’engage dès 1940. Dans la ferme familiale de Bouex sont cachés des réfugiés, des Juifs, des armes parachutées,… Investie dans le réseau gaulliste Action B, elle est arrêtée en mars 1944, torturée à la prison d'Angoulême et déportée à 17 ans à Ravensbrück, puis à Buchenwald. Sans oublier les déportées-résistantes non natives de Charente, ayant résisté en Charente comme Marcelle Nadaud, institutrice à Chateauneuf, engagée elle-aussi dès 1940, morte à Ravensbrück. Quant aux grands mouvements de la Résistance française, ils n’ont quasiment pas homologué de femmes nées en Charente: 13 seulement. Ce qui ne signifie pas qu’il n’y avait pas de femmes dans ces mouvements. Le Maîtron, dictionnaire biographique du mouvement social, évoque plusieurs d’entre elles. Née en Ariège, Mathilde Mir, directrice de l’école normale d’institutrices d’Angoulême, un temps militante socialiste SFIO, fut désignée à l’unanimité présidente du comité départemental de Libération en 1945. Quant aux natives de Charente, elles étaient avant guerre militantes communistes: Madeleine Normand cultivatrice à Aigre, résistante de la première heure, déportée, assassinée en février 1943 à Auschwitz-Birkenau après avoir été battue à mort; Marthe Meynard, ouvrière papetière à Angoulême, déportée; Marie Rivière, employée PTT à Cognac, morte à Ravensbrück; Jeanne Bourroux, institutrice près de Cognac, arrêtée dans sa classe en juin 1941, Renée Ferrand, institutrice à Coulgens soigna clandestinement des blessés du maquis. Renée Bérigaud, décoratrice, arrêtée en 1942 à Saintes, puis libérée, se réfugia chez sa mère à Chabanais; elle y prit une part active aux combats du 1er Aout avec le maquis Bernard. Elue maire de Chabanais en 1946, elle fut la première femme du département à exercer cette fonction. Sans parler des charentaises engagées hors de Charente, comme Anne-Marguerite Beaumatin. Née à Massignac, cette ouvrière textile, militante communiste en Bretagne, s’engagea dès le début de l’occupation. Arrêtée en août 1943, internée en Indre et Loire puis à Poitiers, elle réussit à s’évader en mai 1944 et revint à pied en Bretagne, qu’elle rejoignit en juillet. Elle y reprit la résistance jusqu’à la Libération et mourut en 1946 à 41 ans. Ces femmes héroïques n’illustrent que partiellement la résistance féminine. Du fait de leurs rôles sociaux, la résistance des femmes a d’abord été une résistance ordinaire, du quotidien, de gestes modestes dans la vie domestique, peu visibles. Elle fut pourtant indispensable aux maquis et réseaux. L’action de ces « intendantes de la résistance », selon la formule de Claire Andrieu, est difficile à repérer, a fortiori pour les cultivatrices ou métayères cumulant invisibilité de l’agriculture et du genre. Quand, au printemps 1942, dans les villages de Charente limousine, le pain du boulanger devint un exécrable pain de maïs, un sentiment profond d’humiliation et de révolte saisit les paysans. De rudimentaires «meuneries» clandestines apparurent afin de moudre du blé et cuire du pain blanc pour le village. Interdit et très risqué: soustraire le blé au Ravitaillement de Vichy était un crime. Qui furent souvent les bras qui, de nuit, tournèrent les meules ? Largement ceux des jeunes villageoises. Et quand il s’est agi de nourrir discrètement, à la nuit tombée, souvent à l’impromptu des groupes de maquisards, les hommes organisaient un accueil sécurisé dans les hameaux, mais qui étaient aux fourneaux ? On pourrait allonger la liste… Enfin, l’entrée en résistance des hommes mariés, quelles que soient les consignes de secret, impliquait celle de tout leur foyer. Même si les épouses n’étaient pas elles-mêmes engagées, elles le devenaient de fait dès lors que leur conjoint l’était. Pensons à ce qu’ont pu vivre ces femmes quand celui-ci était arrêté ou quand menacé d’arrestation, il devait fuir précipitamment, tout quitter, travail et domicile, avec ou sans sa famille… 80 ans après la Libération, il reste donc encore bien du travail pour évaluer pleinement et finement la contribution des femmes à la résistance. 
 

 
 
 
1L’homologation «Réseau FFC»(réseaux gaullistes) était très recherchée car c’était une des plus avantageuses en ouvrant systématiquement droit à l’obtention de grades et pensions militaires.